Amateurs de randonnée, vous aimerez le cap Chignecto en Nouvelle-Écosse. Quand on se cherche une randonnée de quelques jours dans les Maritimes, ce n’est pas le choix qui manque. Si la Baie de Fundy semble intéressante, on m’a chaudement recommandé le cap Chignecto puisqu’il s’agit de l’une des randonnées qui offre les vues les plus spectaculaires. Il s’agit également de l’une des plus exigeantes dans les provinces atlantiques.
J’ai rempli mon sac à dos et fait une épicerie de camping avant de me diriger vers West Advocate, Nouvelle-Écosse, pour débuter cette aventure de quatre jours afin de parcourir la boucle de 54 kilomètres.
Le prix d’une nuit de camping « backcountry » m’a tout d’abord estomaquée. Il en coûte 26$ canadien pour un espace tout juste assez grand pour y planter une tente à une place et où un petit ruisseau est la seule source d’eau. J’ai trouvé ce prix un peu cher, mais le parc est généralement bien entretenu, ce qui le justifie probablement.
La majorité des randonneurs s’attaquent au cap dans le sens des aiguilles de la montre. On débute donc par la majorité des vues sur la baie et sur les falaises. J’ai commencé à l’inverse. La première journée s’est déroulée sous le couvert des arbres. Il s’agissait d’un 14 kilomètres dans la forêt. Et ça monte.
Le truc avec le cap Chignecto, ce qui rend les points de vue si spectaculaires, ce sont ces falaises escarpées de plus de 400 mètres qui dominent la baie et des grandes plages de galets bien ronds. Mais qui dit falaises, dit aussi montées escarpées et descentes interminables.
Le premier segment entre Red Rocks (le point de départ) et Eatonville (le premier terrain de camping) grimpe inexorablement vers le haut du plateau. Lentement, mais sûrement comme le dit le proverbe. Avec la chaleur accablante (35 degrés Celsius), les petits ruisseaux qui coulent tout le long du sentier ont été bien appréciés.
En arrivant à Eatonville, j’ai planté ma tente, tordu mon chandail pour essayer de le faire sécher, puis je me suis assise dans le petit ruisseau pour tenter de me rafraîchir avant de me cuisiner un plat de campeur/randonneur paresseux: un bon met déshydraté. J’ai remercié tous les dieux pour la découverte de la laine merino et des lingettes humides. Puis, épuisée, je me suis installée dans ma tente pour lire et éviter les moustiques. Pour la première fois depuis longtemps, je me suis couchée avant le soleil.
Vous savez, quand vous dormez seul(e) dans votre tente dans un lieu passablement près de la civilisation, les multiples sons qui emplissent les bois ne font pas si peur. Vers minuit, un son, mi-gloussement mi-feulement m’a réveillé. Je me suis assise pour tenter d’identifier la fameuse bête. Toutes les hypothèses défilaient dans ma tête: non, ça ne peut pas être un ours, un coyote? J’ai fini par me rendormir. Mais quelques heures plus tard, le son se refait entendre, mais beaucoup plus proche. J’ai ouvert la porte de ma tente en panique pour voir l’animal qui troublait ma nuit. Soupir de soulagement: il ne s’agissait que d’une énorme perdrix. « Bravo ma grande, tu t’es fait peur pour une perdrix… »
Le lendemain matin, je me suis réveillée en même temps que les petits oiseaux. J’ai fait quelques pas pour dénouer mes mollets déjà courbaturés, préparé un bon déjeuner et replié ma tente avant d’entamer un solide, mais très joli 16,2 kilomètres de marche.
La forêt de sapins a fait place à des érables plus clairsemés et un sous-bois de fougères bien vertes. Après une heure de marche, j’arrivais à des points de vue sur les Trois Soeurs, trois énormes rochers isolés forgés par les marées impressionnantes de la Baie de Fundy (la photo de couverture). Puis, vers midi, j’arrivais à Seal Cove pour une vue imprenable sur les falaises et la baie.
Je me suis arrêtée au camp Little Bald Rock pour la nuit. Heureusement qu’un banc est installé sur le bord de la falaise parce que ce camping est loin, le terrain est moche et la toilette sèche est 500 mètres plus loin. Le souper au coucher de soleil fut amplement satisfaisant pour pardonner le lieu du campement.
La troisième journée, je me suis rendue compte de deux choses. La première: j’ai dû rencontrer à peine 15 personnes sur le sentier. La deuxième…
Suis-je sale ou bronzée? Là est la question!
(La réponse est: un peu des deux.) Mais cette solitude sur le sentier fut grandement appréciée. Il y a une paix intérieure que l’on doit développer lorsque l’on tente de repousser ses limites seul. C’est qu’il est impossible de laisser la petite voix dans sa tête qui dit que l’on n’est pas capable de poursuivre, que vos jambes ne vous pousseront pas plus loin, que vous allez faire un coup de chaleur ou que vous devriez abandonner. Il faut absolument la maîtriser cette voix. Il faut se parler, se convaincre qu’on peut y arriver, qu’on l’on est assez fort autant physiquement que mentalement. Voilà la raison ultime pour faire ce genre d’activité seule: on devient une personne plus solide parce qu’il le faut. Et une fois qu’on a enterré la petite voix dans sa tête, la marche devient plus facile et l’esprit se met à vagabonder à des endroits très agréables.
Bref, le quatrième et dernier jour fut le plus difficile. La fatigue et les courbatures s’étaient accumulés. En quittant le camping de Mill Brook, on doit remonter la falaise. Imaginez le dénivelé de 450 mètres qui monte sur un kilomètre. Le cap Chignecto n’a rien à envier à la Nouvelle-Zélande où tout ce qui monte continue de monter. Cette côte en particulier a de quoi vous faire appeler les pompiers pour éteindre le feu dans vos cuisses et vos poumons. Les quatre derniers kilomètres ont été occupés à penser à mon dîner de lobster roll et à une platée de patates frites.
On peut dire que le cap Chignecto est toute une expérience de randonnée. C’est un paradis pour les randonneurs en manque de montées abruptes et de descentes interminables. Le cap vous fera oublier la longue marche chaque fois que vous arriverez à un belvédère et que la mer s’ouvrira devant vous. Les falaises rouges coupées au couteau, les plages de galets et les grandes marées vous couperont le souffle.
C’est bien d’avoir de tes nouvelles ma grande! Tu n’as pas peur des défis et de la solitude, meilleurs moyens d’apprendre à se connaître. Bonne fin de séjour dans les Maritimes.
Diane et Pierre
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